Comment faire de son entreprise une organisation apprenante ?

par Dr Sèna John Ahyee | 7 Aug, 2024 | Capital Humain Alternative image

Le concept d’organisation apprenante a été développé aux Etats Unis à la fin des années 1980 par Peter Senge, écrivain américain et enseignant au MIT (Massachusetts Institute of Technology). Dans les années 1990, il écrivait que : le rythme auquel les organisations apprennent pourrait devenir la seule source durable d’avantages concurrentiels dans un monde en perpétuel changement”. Cette approche du management vise à humaniser l'entreprise en mettant l'accent sur le groupe et ses dynamiques. Afin de survivre, les entreprises imitent le comportement humain en développant des mécanismes d'apprentissage continu. Dans cet article, nous donnons quelques clés pour améliorer votre pilotage d’entreprise en devenant une organisation apprenante. 


1- Organisation apprenante : les apports de Peter Senge 


Selon Peter Senge une organisation apprenante est « une organisation où les gens développent sans cesse leur capacité à produire les résultats qu’ils souhaitent, où des façons de penser nouvelles et expansives sont favorisées, où l’aspiration collective est libérée et où les gens apprennent continuellement à apprendre ensemble. » 

D’après cet auteur américain,5 disciplines permettent la mise en œuvre d’une philosophie d’organisation apprenante. 

 

  • La première discipline est la pensée systémique

Selon Senge, la pensée systémique vise à concevoir l’entreprise comme un ensemble d’éléments en interaction et il s’agit d’analyser ces interactions de manière globale (Ex: le processus commercial impacte la production qui impacte à son tour le management des ressources humaines...). La pensée systémique permet donc de modifierplus efficacement l’organisation de l’entreprise en recherchant une adaptation constante avec les évolutions de l’environnement externe. 


  • La deuxième discipline est la maitrise personnelle (savoir individuel) 

La maitrise personnelle est un élément de l’organisation apprenante propre à chaque individu. De ce fait, en augmentant la capacité personnelle des individus vers les résultats souhaités, grâce à la motivation au travail et des compétences nouvelles par exemple, les employés et la structure elle-même auront plus de chance à atteindre les objectifs poursuivis. L’apprentissage individuel ne garantit pas l’apprentissage organisationnel, mais sans apprentissage individuel, il n’y a aucun apprentissage. 


  • La troisième discipline est la vision partagée 

Selon Senge, une vision partagée est vitale pour une organisation apprenante, car elle offre l’énergie et la perspective nécessaire à l’apprentissage. De ce fait, au sein même d’une organisation apprenante, tous les individus ont un but commun et des objectifs à atteindre en équipe. 

 

  • La quatrième discipline est l’apprentissage en équipe

Selon Senge, lorsqu’une équipe a une vision concordante, une direction commune émerge et l’énergie des individus s’harmonise.

Attention, « l’apprentissage en équipe est la discipline la plus exigeante intellectuellement, émotionnellement, socialement et spirituellement. » (Peter Senge, 1990). De ce fait, la finalité n’est pas uniquement de travailler en équipe, de communiquer ou d’être compétent, le plus important reste d’apprendre à apprendre à travailler ensemble. 


  • La cinquième discipline consiste à apprendre à se défaire des préjugés (modèles mentaux)

Les modèles mentaux font référence à l’ensemble des idées internes sur la manière dont fonctionne le monde. Ces idées sont générées dans le subconscient des individusqui les utilisent automatiquement sans forcément le réaliser. Pour devenir une organisation apprenante et innovante, il faut apprendre à se défaire de ses modèles de pensée (think outside the box !) 

 

En dehors de Peter Senge, d'autres auteurs ont effectué des travaux sur la problématique de l’entreprise apprenante.


2- Organisation apprenante : les apports de Nonaka et Takeuchi 

 

Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi, professeurs de management formés dans des universités prestigieuses au Japon et aux États-Unis, s'inspirent de leur expérience pratique et de leur analyse du processus d'innovation des entreprises japonaises au sortir de la seconde guerre mondiale pour proposer, en 1995, un nouveau modèle de management des connaissances.

Leur ouvrage “La connaissance créatrice - La dynamique de l'entreprise apprenante”, explique comment l'entreprise est capable de créer de nouvelles connaissances, de les intégrer à tous les niveaux de l'entreprise et de les incorporer à son offre de produits ou services. 


Selon eux, le management des connaissances est la manière dont l'entreprise développe collectivement des savoirs stratégiques, les exploite à des fins commerciales et les protège. 


Les grands principes issus de leurs travaux sont : 


  • Le rôle individuel de chaque collaborateur de l'entreprise : Nonaka et Takeuchi insistent sur le rôle essentiel des cadres intermédiaires. Ils font le relais entre la direction de l'entreprise, qui impulse la stratégie, et les opérationnels, qui la mettent en œuvre. 
  • La notion de « Ba » : ils insistent sur la qualité du lieu de travail, « Ba » en japonais, pour l'émergence de nouvelles connaissances. Le cadre doit être favorable aux interactions et au partage d'expériences, pour développer le savoir tacite. 
  • La distinction entre les connaissances tacites et les connaissances explicites : les connaissances tacites naissent de l'expérience, dans l'observation et le ressenti, alors que les connaissances explicites se fondent sur des concepts connus et faciles à formuler. Le management des connaissances selon Nonaka et Takeuchi repose sur la conversion des connaissances tacites, ce que l'individu sait sans pouvoir l'exprimer, en connaissances explicites, traduites dans un langage de type énoncés grammaticaux ou formules mathématiques, par exemple. 
  • La notion de spirale infinie : leur modèle dessine un cycle en quatre étapes (la socialisation, l’externalisation, la combinaison, l’internalisation). La quatrième étape permet de revenir à la première, dans une spirale infinie d'amélioration des connaissances : les connaissances préalablement explicitées se muent en un nouveau savoir tacite, qui permet de démarrer un nouveau cycle. Ainsi l'entreprise continue de toujours innover. 

 


3- Cinq conseils pour devenir une organisation apprenante 


Afin de permettre aux dirigeants d’améliorer la performance de leur entreprise en devenant une organisation apprenante, voici cinq conseils inspirés de ces travaux : 


  • Favorisez l’émergence des solutions collectives : par exemple, organisez des points réguliers (hebdomadaires, mensuels...) afin de recueillir les propositions de projets et de solutions de vos salariés. Consultez ces derniers quelques fois sur des sujets bien précis relatifs à l’organisation de l’entreprise. 
  • Valorisez l’expérience et contribuez au développement des compétences de chacun : prenez en compte l’expérience et les compétences de vos collaborateurs, même dans des domaines qui ne sont pas directement liés à leurs postes et, quand l’occasion se présente, mettez en avant afin que toute l’équipe en bénéficie. Valoriser l’expérience signifie également accepter et profiter des différences, les considérer comme des atouts. Elles peuvent être source d’innovation. 
  • Reconfigurez si possible les espaces de travail : envisagez en collaboration avec vos équipes de réorganiser les espaces individuels en des espaces communs, avec par exemple un grand bureau pour plusieurs collaborateurs, ou en disposant les bureaux par pôles. 
  • Créez une vision partagée, reconnue et acceptée par les membres de votre équipe. Il s’agit là d’un levier puissant de développement de votre entreprise. 
  • Transformez les connaissances tacites en nouvelles connaissances explicites : cela permet à l’entreprise de toujours innover. Cela passe par la rédaction de manuels de procédures, la formation des équipes à ces procédures, l'amélioration des procédures sur la base des retours d'expérience.


Devenir une organisation apprenante favorise la collaboration au sein de l’entreprise et permet aux collaborateurs de gagner en estime, puisqu’ils se partagent leurs expériences et compétences. Ils apprennent les uns des autres et créent une dynamique d’amélioration continue. S’inscrire dans cette logique permet comme l’a dit Peter Senge de développer un avantage concurrentiel véritablement durable.


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Senge, P. (1990). Fifth Discipline: The An and Practice of the Learning Organisation, Century, London


Nonaka, I., and Takeuchi, H., 1995, The knowledge-creating company, Oxford: Oxford University Press


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Dr Sèna John Ahyee

Sèna est Docteur en Sciences de Gestion de l'Université de Montpellier et consultant en pilotage d'entreprise. Il enseigne depuis une dizaine d'années la comptabilité, le contrôle de gestion, le management, la RSE à l'Université et dans de nombreuses écoles de Commerce. Comme consultant, il réalise des études économiques et accompagne les entrepreneurs et chefs d'entreprise dans la mise en place de systèmes de pilotage.

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