Quels sont les leviers pour coordonner une équipe?

par Dr Sèna John Ahyee | 19 Jun, 2021 | Capital Humain Alternative image

La coordination de l’équipe, des collaborateurs, constitue un thème central du pilotage des organisations. « Influencer », « impulser », « diriger », « orienter », « motiver », « amener son équipe vers l’accomplissement des objectifs identifiés », ce sont là des axes fondamentaux de l’activité du dirigeant. Mais comment faire ? Nous donnons quelques pistes dans cet article. 


Les méthodes pour coordonner une équipe


Trois principales modalités de coordination d'une équipe sont généralement utilisées dans les organisations. Elles sont mises en évidence par le professeur William Ouchi[i] dans un célèbre article paru en 1979 dans la revue Management Science.

Il s’agit de :

  • la coordination par les résultats (market)
  • la coordination par les règles (bureaucracies)
  • la coordination par les valeurs (clan)

 

La coordination par les résultats

 

La coordination par les résultats s’inspire du mode de fonctionnement de l’économie de marché. Le collaborateur est considéré comme un vendeur et l’entreprise comme son acheteur. Les objectifs du collaborateur sont définis, ainsi que les modalités de rémunération (salaire fixe, salaire variable, mix des deux). La clé de ce mode de coordination réside dans la convergence qu’on établit entre les objectifs acceptés par le collaborateur et les objectifs de l’entreprise. Au-delà, la motivation du collaborateur est soutenue par les critères de rémunération. L’atteinte des objectifs est sanctionnée par l’obtention de primes, bonus, partie variable du salaire.

Ce modèle de coordination est très répandu dans les organisations modernes. Il suppose :

  • la possibilité d’identifier des objectifs précis si possible quantifiable
  • la mise en place d’un système de suivi des objectifs (indicateurs de performance)
  • la tenue de réunions périodiques d’évaluation des performances

Initialement Ouchi associe ce mode de coordination à des contextes organisationnels où il est possible de mesurer le résultat (output) même si le processus qui permet d’aboutir à ce résultat est plus ou moins connu.

Aujourd’hui on peut constater l’existence de ce mode de coordination dans tous les environnements organisationnels, y compris ceux pour lesquels il n’était pas adapté (par exemple : administrations publiques, hôpitaux, universités, laboratoires de recherche…)

Ce mode de coordination présente deux faiblesses fondamentales :

  • il favorise les comportements opportunistes et donc le désengagement organisationnel
  • la convergence entre les objectifs assignés au collaborateur et ceux de l’organisation n’est pas toujours évidente.

 

La coordination par les règles et procédures (bureaucratie)

 

Ce mode de coordination remonte aux travaux de Max Weber, l’un des pères fondateurs de la théorie des organisations. On parle aussi de coordination fondée sur une rationalité procédurale. Ici, les objectifs de l’entreprise seront atteints si chaque collaborateur respecte scrupuleusement les règles associées à la fonction qu’il occupe dans l’organisation.

Cela suppose :

  • l’identification des principales fonctions (directeur, commercial, technicien…)
  • la définition du contenu, des attributions, des modes opératoires de chaque fonction
  • la définition des procédures de contrôle et d’évaluation

L’un des avantages de ce mode de coordination est qu’il laisse peu de place à l’improvisation. Le corollaire est qu’il a tendance à neutraliser toute logique d’innovation et conduit de ce fait à un désengagement et une démotivation du collaborateur.

Pour Ouchi, ce mode de contrôle est particulièrement pertinent dans les organisations où on a une bonne connaissance du process de travail sans pouvoir mesurer de manière précise le résultat. Il s’agit historiquement d’organisations caractérisées par une obligation de moyen (administrations publiques, hôpitaux, cabinets d’avocat, cabinets d’audit…).

 

La coordination par les valeurs (clan/culture d'entreprise)

 

Ce mode de coordination a été mis en évidence par les travaux d’Ouchi. Il s’agit principalement d’une coordination par les valeurs professionnelles. Il est utilisé dans les organisations où du fait de la complexité des activités, on ne maitrise pas de manière détaillée le process de production et la mesure du résultat n’est pas précise.

De ce fait, l’atteinte des buts de l’organisation passe par une sélection rigoureuse à l’entrée. Cela repose sur l’hypothèse suivante: les individus sélectionnés ont internalisé (par leur éducation, par leur milieu social, par le dépassement de soi) les buts de l’organisation et sont donc aptes à y exercer leurs talents. Une fois les collaborateurs sélectionnés (membre du clan), ceux-ci exercent leurs missions dans une relative liberté tout en respectant les principes fondateurs du groupe social ou professionnel. On observe ce mode de contrôle dans les hautes administrations publiques, dans les grandes banques d’affaire, les cabinets d’audit et d’expertise comptable, à l’université…

Si ce mode de coordination facilite l’intégration d’individus déjà en phase avec les buts organisationnels, il repose fondamentalement sur une logique d’entre-soi et de consanguinité culturelle qui peut s’avérer problématique en matière d’innovation et de motivation.

Au-delà du clan qui n’est qu’un cas spécifique du contrôle par les valeurs, d’autres outils peuvent être mobilisés pour fédérer les collaborateurs autour de valeurs communes :

  • la mise en place de rituels (apéro du vendredi soir, cercle qualité du lundi matin... )
  • la construction d’un récit commun (notre histoire, nos valeurs, nos idéaux... )
  • la réalisation périodique d’activités de groupe (séminaires d’entreprise, teambuilding, programme de mentorat…)

L’une des limites de ce mode de coordination est l’existence d’un fossé entre les valeurs professées et la réalité vécue ou perçue par les collaborateurs. Il s’agit là d’un puissant facteur de démotivation et de désengagement.


Au final, dans la plupart des organisations on observe les trois modes de coordination à l’œuvre à divers niveaux d’intensité.


Le secret d’une bonne coordination des équipes ne réside donc pas dans l’utilisation exclusive d’une de ces modalités. Il réside dans le subtil mélange qu’il faut opérer afin de bénéficier des forces de chaque mode et atténuer ses faiblesses :


  • les règles et procédures pour éviter l’anarchie et sécuriser l’utilisation des ressources;
  • la coordination par les résultats (primes, bonus si atteinte des objectifs) pour favoriser l’innovation et stimuler la motivation;
  • les valeurs pour fédérer et maintenir l’adhésion autour du projet organisationnel


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William G Ouchi (1979), A conceptual framework for design of organisational control mechanism, Management Science, Vol 25, N° 9 , pp 833-848


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Dr Sèna John Ahyee

Sèna est Docteur en Sciences de Gestion de l'Université de Montpellier et consultant en pilotage d'entreprise. Il enseigne depuis une dizaine d'années la comptabilité, le contrôle de gestion, le management, la RSE à l'Université et dans de nombreuses écoles de Commerce. Comme consultant, il réalise des études économiques et accompagne les entrepreneurs et chefs d'entreprise dans la mise en place de systèmes de pilotage.

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