Quel est l'impact des évolutions technologiques sur la fonction Finance ?

par Dr Sèna John Ahyee | 7 Dec, 2019 | Finances Alternative image

Avec les évolutions technologiques actuelles, de nombreuses questions sont posées concernant l'évolution de la fonction finance. La technologie étant vue comme libératrice des activités routinières, peut-on espérer une implication plus importante des contrôleurs de gestion dans l'accompagnement des managers et la réalisation d'études prospectives?

Dans cet article, nous proposons une synthèse sur l'impact des nouvelles technologies sur les activités des contrôleurs de gestion et des directions financières.


IMPACT DE LA TECHNOLOGIE SUR LA DIRECTION FINANCIERE

 

L'évolution technologique impacte fortement la fonction finance


Sur le sujet, l'étude de Stan Davis et Tom Albright publiée en 2000(ii) constate un effet important de la mise en place du progiciel sur la fonction de contrôleur de gestion.

Ils observent dans différents cas que les contrôleurs de gestion sont plus impliqués dans des missions d’aide à la décision suite à la mise en place du progiciel de gestion.

Les travaux de Ariela Caglio (iii) et de Bob Scapens et Mostafa Jazayeri (iv) en 2003 suggèrent aussi une évolution des missions des contrôleurs de gestion du fait de la mise en place des progiciels de gestion.

 

L'évolution technologique n'impacte pas significativement la fonction finance


Dans leur étude de 2002 les professeurs Markus Granlund et Teemu Malmi (i) expriment les questionnements suivants : « Il y a un vif débat autour de l’élargissement du rôle du contrôleur de gestion, du « comptage de haricots » vers une action en faveur du changement orienté business… Les questions pertinentes dans ce contexte incluent les suivantes : le nouveau système permet-il d’avoir plus de temps pour des analyses et allège-t-il le fardeau du reporting ordinaire ? Un système d’information intégré améliore-t-il la communication transversale au sein de l’organisation et les processus en général ? Le nouveau système impacte-t-il l’organisation de la fonction de contrôle de gestion et l’autonomie des contrôleurs ? »

Les résultats de leur étude par entretiens suggèrent que l’effet des progiciels n’est pas le même selon les organisations. Dans certains cas les contrôleurs sont juste associés aux problématiques comptables, alors que dans d’autres ils sont associés à des processus plus transversaux et sont au cœur de la sélection des systèmes intégrés de gestion.


Dans toutes les organisations, les responsables du contrôle de gestion sont en charge de la formation de leurs collaborateurs aux modules comptables, et dans certaines ils sont chargés de former aux modules non comptables.


L’évolution du rôle des contrôleurs de gestion vers plus d’aide à la décision, du fait du progiciel, n’a été observée que dans la moitié des cas. Sur le plan organisationnel, la mise en œuvre du progiciel n’a entraîné que peu de modifications au niveau de la fonction « contrôle de gestion ». La structuration hiérarchique au niveau de la fonction n’a pas été impactée par la mise en place du progiciel. Enfin, cette étude souligne que l’automatisation des tâches associée au progiciel a impliqué une réduction de l’effectif des contrôleurs de gestion.


En synthèse, d’après cette étude l’effet de la mise en place d’un progiciel de gestion sur la fonction de contrôleur de gestion est relativement faible.


Pour les chercheurs François Meyssonnier et Frédéric Pourtier (v), la complexité de la mise en œuvre des progiciels de gestion exige d’analyser ce lien de contingence de manière plus précise.


Pour eux, « … si les ERP constituent un cadre technique innovant et conceptuellement remarquable pouvant favoriser une évolution significative du contrôle de gestion, la réalité reste nettement plus nuancée. » (p.47).

Sur la base de leurs études de cas, ils proposent l’analyse suivante (p.55-56) : « Ces observations, somme toute sans grandes surprises, montrent que le contrôle de gestion reste une fonction importante mais non prioritaire dans la plupart des projets d’intégration. Il ne bénéficie que de manière très nuancée des apports potentiels des systèmes intégrés. Les tâches habituelles de la fonction évoluent peu. Ainsi, l’ERP a consolidé l’existant, les acteurs s’accordent sur une amélioration de forme (automatisation, rapidité d’obtention des informations, finesse du découpage) mais pas de fond… Pour autant, nous n’avons pas pu quantifier les changements intervenant dans les tâches du contrôleur… » .


Ainsi, d’après cette étude, les progiciels de gestion intégrée n’ont impacté que de manière faible la fonction de contrôleur de gestion. Pour ces chercheurs, « il apparaît que la mise en place des ERP ne joue pas un rôle décisif dans l’évolution de la fonction du contrôleur de gestion. Le contrôle de gestion n’est fondamentalement transformé ni dans son appareillage conceptuel, ni dans son dispositif organisationnel. » (p. 62)

 

En conclusion: l'impact dépend du contexte organisationnel


Au final, il reste assez difficile d’établir une conclusion définitive sur la réalité et la nature de l’impact des nouveaux systèmes d’information sur les fonctions comptables et financières dans l'organisation.


Par exemple, dans une étude quantitative par questionnaire (62 réponses), l’équipe d'Alan Sangster (vi) suggère que le succès ou l’échec de la mise en place du progiciel joue un rôle médiateur sur l’impact des progiciels sur les missions des contrôleurs de gestion.


Si au niveau des tâches courantes on peut noter des différences entre le contrôleur d’aujourd’hui (plus focalisé sur la gestion de bases de données, le paramétrage d’ERP, les mises à jour système) et celui d’il y a 30 ans, la promesse d’un ERP libérateur de tâches routinières (reporting harassant et pléthorique) ne semble pas encore tenue. Néanmoins, on peut retenir que le reporting financier est beaucoup plus facile qu'il y a 30 ans.


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i Markus Granlund et Teemu Malmi, « Moderate impact of ERP on management accounting: a lag or permanent outcome? », Management Accounting Research 13 (2002): 299-321.

ii Stan Davis et Tom Albright, « The Changing Organizational Structure and Individual Responsibilities of Managerial Accountants: A Case Study », Journal of Managerial Issues 12(4) (2000): 446-467.

iii Ariela Caglio, « Enterprise Resource Planning systems and accountants: towards hybridization? », European Accounting Review 12(1) (2003): 123-153.

iv R. W. Scapens et Mostafa Jazayeri, « ERP systems and management accounting change: opportunities or impacts? A research note », European Accounting Review 12(1) (2003): 201-233.

v François Meyssonnier et Frederic Pourtier, « Les ERP changent-ils le contrôle de gestion? », Comptabilité Contrôle Audit 12(1) (2006): 45-64.

vi Alan Sangster, Stewart A. Leech, et Severin Grabski, « Erp implementations and thein impact upon management accountants », Journal of Information Systems and Technology Management 6(2) (2009): 125-142.


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Dr Sèna John Ahyee

Sèna est Docteur en Sciences de Gestion de l'Université de Montpellier et consultant en pilotage d'entreprise. Il enseigne depuis une dizaine d'années la comptabilité, le contrôle de gestion, le management, la RSE à l'Université et dans de nombreuses écoles de Commerce. Comme consultant, il réalise des études économiques et accompagne les entrepreneurs et chefs d'entreprise dans la mise en place de systèmes de pilotage.

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